Interculturalité et les langues et cultures étrangères

Dans le domaine de la didactique des langues étrangères, il est souvent connu que la culture est liée à la langue, cela veut dire que toute personne s’intéressant à apprendre une langue étrangère, devrait découvrir la culture durant sa formation. Cependant souvent cette découverte culturelle reste secondaire dans le contexte scolaire, sauf quelques exceptions.

En tant qu’enseignant de langues vivantes étrangères, nous pouvons repérer différentes situations d’apprentissage et le parcours que l’apprenant expérimente pour acquérir les compétences linguistiques de communication en langue étrangère.
Le contact initial avec la langue et/ou culture étrangère peut s’effectuer dans un contexte scolaire, dans un contexte professionnel ou bien dans un contexte loisir-personnel.

Disciplines et concepts liés à l’interculturel.

Tout est déclenché à partir du moment où nous faisons allusion aux compétences langagières d’une langue étrangère lorsque nous entendons dire que quelqu’un parle une langue étrangère, cela nous fait penser à une personne qui est capable d’établir une conversation en L2 avec les autres.

André Abbou (DUMONT, 2008, pp. 67-69) mentionne qu’au moment d’engager une conversation en langue étrangère, les interlocuteurs doivent développer plusieurs compétences pour être performant:

Une compétence linguistique : capacités langagières dont disposent les locuteurs-acteurs pour percevoir et interpréter des énoncés et pour en émettre.
Une compétence logique : aptitudes à produire des ensembles discursifs interprétables (cohérence, progression et validité du discours)
Une compétence socioculturelle et interculturelle : c’est l’ensemble des aptitudes et des capacités dont disposent les locuteurs-acteurs-interprètes pour relier des situations, des événements, des actes, etc. à un ensemble de codes sociaux.
Nous nous attarderons sur cette compétence pour expliquer le terme d’interculturalité et ce que nous entendons par compétence interculturelle.

L’interculturalité désigne les relations, positives ou négatives, qui s’établissent entre personnes, groupes et sociétés de culture différente (DEMORGON, 2004, p. 23).

Ainsi, l’assimilation des différentes cultures demande un processus d’intégration ou ‘d’ajustement interculturel’ à travers l’interaction sociale tout en sauvegardant une relative identité culturelle des individus qui interagissent.

Marc Thomas dans son travail de recherche sur l’interculturalité réalisé à l’Université de Nancy mentionne que la compétence interculturelle résulte d’un apprentissage mettant en jeu des méthodes actives d’expérimentation, des moyens d’observation, d’analyse et d’évaluation, des réflexions théoriques permettant d’intégrer les acquis de l’expérience et de les confronter à d’autres expériences, d’autres points de vue, d’autres interprétations. (THOMAS, 2000)

Jusqu’ici, nous avons abordé les compétences qui interviennent dans la communication, mais analysons maintenant un échange oral spontané entre deux ou plusieurs personnes ayant une culture et une langue différente. Le discours écrit pourrait être abordé dans un second travail de recherche sous forme de texte littéraire et publicitaire à contenu culturel.

Dans la communication orale s’ajoutent d’autres moyens externes à la parole. Il est bien connu que les gestes (la communication non-verbale) jouent un rôle important dans la communication, surtout quand il s’agit des niveaux débutants dans l’apprentissage d’une L2. Néanmoins, dès que les apprenants auront les bases linguistiques, l’enseignant pourrait petit à petit expliquer le contexte extralinguistique et les éléments non-verbaux de la langue cible, étant donné que « toute culture est un réseau complexe de systèmes signifiants permettant divers types de communication dont la langue n’est qu’une composante » (BAYLON, 2005, p. 202)

Cela veut dire qu’il y a plusieurs types d’informations échangées dans une conversation et qui méritent d’être analysées :

Baylon (2005) nous explique qu’une conversation est constituée par des moyens linguistiques – langue et manifestations vocales – ; des moyens paralinguistiques – Non verbal-vocal comme le ton de la voix, Non vocal comme les gestes plus ou moins conscients et compris par les membres d’une même culture – ; et des moyens extralinguistiques – Vocal comme la qualité de la voix apportant à l’auditeur des renseignements biologiques, psychologiques et sociaux sur le locuteur. Non Vocal comme la façon de s’habiller. –

Dans le schéma ci-dessous, nous essayons de rassembler les composants de la conversation que nous pouvons relever lors l’analyse de la compétence de communication.

Dans ce schéma, nous résumons la complexité d’analyse de la compétence de communication d’une langue étrangère (LE) et les disciplines qui s’occupent de développer chaque compétence qui interviennent dans une conversation. Daniel Coste nous explique ces composants : (DUMONT, 2008, pp. 68-69)

Composante de maîtrise linguistique : comprend savoirs et savoir-faire relatifs aux constituants et aux fonctionnements de la LE en tant que système linguistique permettant de réaliser des énoncés. Donc, la compétence linguistique qui sera développée grâce à la linguistique.

Composante de maîtrise textuelle et de maîtrise situationnelle : comprend savoirs et savoir-faire relatifs aux discours et aux messages en tant que séquences organisées d’énoncés (agencements et enchaînements transphrastiques, rhétorique et manifestation énonciative de l’argumentation). Et les savoirs et savoir-faire relatifs aux différents autres facteurs qui peuvent affecter, dans une communauté et dans des circonstances données, les choix opérés par les usagers du langage. Donc, la compétence logique qui sera développée grâce à la sémiologie et pragmatique du langage.

Composante de maîtrise référentielle et relationnelle : comprend savoirs et savoir-faire tenant à des domaines d’expérience et de connaissances. Et les savoirs et savoir-faire touchant aux routines, stratégies, régulation des échanges interpersonnels en fonction des positions des rôles, des intentions de ceux qui y prennent part. Donc les compétences socioculturelle et interculturelle qui seront développées grâce à plusieurs disciplines comme la Sociologie, l’Anthropologie Sociale et la Psychologie Sociale.

Les premières composantes concernent le domaine purement verbal, articulé en langue et discours puisqu’il s’agit du fonctionnement du système linguistique et de l’organisation des énoncés dans le discours.
Les autres composantes relèvent de la relation de l’individu avec le monde qui entoure, depuis la simple connaissance de l’extérieur jusqu’aux phénomènes complexes des relations interpersonnelles ou entre groupes.

En ce qui concerne la Compétence Linguistique, nous démarrerons du niveau B1 et ou B2, sachant que les étudiants possèdent déjà les bases linguistiques de la langue espagnole qui leur permettent de comprendre des situations plus ou moins complexes ; nous l’aborderons plus tard dans la mesure où les discours et les phrases présentent une charge culturelle dans une situation de communication donnée.
Pour la Compétence Logique de la Communication, il faudra tout d’abord comprendre le concept de culture,

Edward Taylor Dans Primitive Culture (1871) affirme que civilisation et culture prises dans le sens ethnographique large, c’est tout complexe qui inclut la connaissance, la croyance, l’art, les choses morales, la loi, la coutume et toutes les autres aptitudes et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. (FERREOL, 2009, p. 40)

Ainsi, les membres d’une communauté linguistique se voient obligés de partager la même interréférentialité, conçues en termes de partage de références communes, auxquels il faudra accorder des valeurs identiques, ce que nous appellerons contexte culturel qui déterminera le comportement d’une société.

Donc, nous faisons appel à la sémiologie, sémantique et pragmatique pour comprendre la signification et sens du contexte lors d’une conversation selon l’ ‘information cognitive’ partagée par un groupe déterminé. Entendons par information cognitive, toute information acquise de manière habituelle et ‘héréditaire’ de génération en génération par les membres d’une société.

Premièrement, la sémiologie étant la science qui étudie tous les systèmes de communication, et non pas seulement le système de communication linguistique (le langage) mais aussi d’autres systèmes comme l’écriture, l’alphabet des sourds-muets, les rites symboliques, les formes de politesse, etc. (TOURATIER, 2005, p. 9).

Grâce à la sémiologie dans l’enseignement d’une langue étrangère, nous pourrons repérer les codes non verbaux et visuels de la culture cible, tout en favorisant la compétence interculturelle. On peut aussi appréhender la nature du sens, soit selon une approche sémiotique, soit une approche non sémiotique. (GRASSET, Paolo et PITOT, Jean, 2000, p. 57 )

Par exemple les raisonnements simples de la vie quotidienne d’une approche non sémiotique, lors qu’en voyant de la fumée nous en déduisons la présence du feu, ou bien que nous attribuons une tâche humide à une chute d’eau, quand nous déduisons sa cause naturelle à partir d’un effet naturel nous n’avons pas encore affaire à des signes mais à des inférences qui peuvent le devenir si les associations établies entre la cause et l’effet résultent d’un processus d’apprentissage et de codification culturelle.

Donc, nous nous servirons de la sémiologie afin de décoder des situations porteuses des sens de la culture mexicaine et de son système de communication par signaux, signes et symboles. Nous essayerons aussi de distinguer le « sens usuel » et le « sens occasionnel ».

Pour ce qui est de la sémantique, Irène Tamba Mecz la définit comme l’étude de la signification des mots, des phrases et des énoncés. (TOURATIER, 2005, p. 8). Donc nous nous concentrerons surtout sur le lexique à connotation culturelle partagée par les mexicains.

La pragmatique qui dérive de la sémantique lorsque nous recentrons l’utilisation du langage dans les situations diverses. Elle recouvre des phénomènes très vastes d’ordre psychologique et sociologique déterminés par le fonctionnement des signes. Donc le contexte reste un élément important dans la compréhension du langage.

Or, à partir du schéma de communication classique (Emetteur → Message → Récepteur), nous pourrons remarquer que les interférences et distorsions qui font que le message n’est pas reçu exactement comme l’émetteur aurait voulu, sont souvent d‘ordre culturel; et la réponse du récepteur sera également soumise à ces distorsions, puisque le sens des mots et le contexte culturel sont différents pour les interlocuteurs.

Compétences socioculturelle et interculturelle :

Quant aux compétences socioculturelle et interculturelle, vu que l’étude des faits sociaux nécessite souvent des approches plurielles qui conduit à puiser à différentes sources, à rassembler des domaines de connaissance considérés comme distincts mais qui favorisent le développement de l’interculturel chez les apprenants des langues étrangères, nous nous contenterons d’analyser trois branches qui s’occupent de la culture, de l’individu en société et du comportement social. Nous appuierons sur la sociologie, l’anthropologie sociale, la psychologie sociale.

De la vision culturelle et idéologique: les mentalités.

Étant donné que les traits culturels d’une civilisation sont souvent transmis et hérités de génération en génération, cela constituerait la première façon de concevoir les marques identitaires d’une personne ou d’un groupe.
Lorsque nous nous référerons à la culture maternelle (Culture 1), nous appellerons cela « héritage identitaire », cela veut dire que dès que l’individu est en contact avec un groupe, il aura tendance à emmagasiner, d’abord consciemment, tout ce qui se rapprocherait à ses intérêts et à ses besoins de survie qu’il pourrait les retrouver dans son environnement proche de sa propre culture. Puis, à la manière d’une imprégnation inconsciente beaucoup de ses comportements ainsi que sa vision de monde se forment de façon implicite, il s’agit là d’une acquisition inconsciente des comportements, c’est ce que certains psychologues appellent comportement influencé à travers les traditions, les modes de vie, les habitudes, les attitudes, la vie quotidienne, les comportements, le mode de pensées, les mentalités, les représentations collectives, les mythes et les légendes, les productions intellectuelles et artistiques (MORCHAIN, 2009)

En guise d’exemple nous voudrions illustrer l’application de cette théorie avec un comportement bien inconscient auquel les gens sont confrontés au Mexique. Il s’agit de l’éternuement. Là bas, dans les espaces publics dès que les gens entendent quelqu’un éternuer, il ne manquera pas un salud d’au moins la personne plus proche de celle qui vient d’éternuer et un gracias toute de suite après l’éternuement. L’éternuement au Mexique est associé inconsciemment à une maladie ou à des problèmes et la personne qui évoque un Salud, cela veut dire qu’elle souhaite une bonne santé à celle qui éternue. Sont considérées comme malpolies les personnes qui ne disent pas salud lors de l’éternuement.

Certes, l’individu aura toujours le choix d’imiter ou non les comportements évoqués par les autres avec qui il est en contact dans sa vie quotidienne. Néanmoins, la culture normalise les comportements que nous avons tendance à considérer comme normaux. Ainsi nous pouvons parler de normes culturelles.

Or, lorsque nous parlons de comportement influencé, c’est-à-dire celui qui est établi par les normes culturelles, une question se pose : L’apprenant de langues étrangères qui est imprégné de ce comportement influencé et ayant acquis de manière inconsciente sa culture maternelle, aurait-il tendance à réagir de la même façon face à une situation quiconque dans le pays ‘étranger’ que comme il réagit chez lui ? Par exemple, accompagner à la porte à son invité(e) lors qu’il/elle quitte l’appartement. Si ces mœurs diffèrent à chez lui, l’étudiant éprouvera un décalage culturel en se rendant compte que les comportements de sa culture maternelle ne correspondent pas à celle de la culture étrangère.

Or, pour comprendre la logique du fonctionnement interne d’une civilisation, nous pourrons distinguer grâce à l’observation de la structure sociale, trois paliers : le palier individuel, le palier social et le palier culturel (civilisation). En effet, la représentation du monde d’une société est conditionnée par une mentalité collective dominante ; cela veut dire que les attitudes et philosophie d’un individu habitant dans un système social donné sont déterminées par une sorte d’entité collective plus complexe qu’est la culture.

Ainsi, nous supposons que la mentalité de l’individu est aussi basée sur une certaine idéologie héréditaire de sa culture maternelle par imprégnation sociale. Par ailleurs à chaque époque la représentation du monde de chaque civilisation varie dans le temps, cependant dans l’époque dite moderne, il reste toujours des préjugés culturels enracinés par des événements historiques constituant ainsi des valeurs communes par attachement héréditaire ou historique.

Puis c’est en communiquant que l’individu acquiert la culture du groupe et il structure au fur est à mesure des relations entre tout ce qu’il vit et il régule sa mentalité en fonction des réactions de son entourage. En un résumé, l’individu se construit se règles de vie, ses croyances, ses stratégies à travers la communication et le contact avec les autres. Par conséquent, les problèmes de communication interculturelle découlent principalement de différences dans la perception sociale chez les membres d’un groupe.

Il est temps d’approfondir notre analyse sur les compétences dites « socioculturelles » où sont répertoriés les traits culturels et caractéristiques de toute culture.

Compétences socioculturelle et interculturelle dans l’apprentissage de langues étrangères.
Le Cadre Européen (2001 : 83-84) définit la compétence interculturelle comme :

la connaissance, la conscience et la compréhension des relations, (ressemblances et différences distinctives) entre « le monde d’où l’on vient » et « le monde de la communauté cible » sont à l’origine d’une prise de conscience interculturelle. Il faut souligner que la prise de conscience interculturelle inclut la conscience de la diversité régionale
et sociale des deux mondes.

A mon avis comprendre une culture étrangère s’avère plus complexe que l’aspect proprement linguistique chez les apprenants des langues étrangères. Puisque comprendre une culture, c’est à apprendre à connaître ses mythes et comprendre leurs raisons profondes d’exister, c’est-à-dire à partir de quelles réalités et de quelles interprétations de ces réalités ils ont été engendrés.
Et comment les croyances régissent-elles les interactions entre les individus pour qu’ils se comprennent ? En effet, nous pouvons affirmer que c’est la violation de ces croyances qui entraînent les plus fortes réactions de rejet. C’est pour cela que l’on se voit outré quand quelqu’un puisse se permettre de faire « ça », par exemple, demander ou ne pas demander la permission pour s’asseoir dans la place libre qui se trouve du côté de la fenêtre, à la personne qui est assise sur la place qui donne sur le couloir des transports en commun.

Nous faisons aussi référence à la communication interculturelle que Simovar (OUELLET, 1991, p. 118) entend par «

une variance culturelle dans la perception des objets et des événements sociaux et pour comprendre l’interculturel, il est essentiel de saisir les liens complexes qui existent entre culture et communication.

En effet, c’est sur la perception du monde des individus qu’il faudra nous focaliser pour mieux comprendre les mécanismes qui permettent la bonne entente interculturelle.
La perception dans son sens le plus simple, est « le processus par lequel un individu sélectionne, évalue et organise les stimuli venant du monde extérieur » (OUELLET, 1991, p. 118)
Et comme la perception est toujours influencée par nos croyances, nos valeurs, nos attitudes, notre mentalité et notre organisation sociale ; les apprenants des langues étrangères sont confrontés à un nouveau système culturel lorsqu’ils se rencontrent faces à des comportements et un style d’interaction différents de leur culture maternelle. Par conséquent, pour que tels comportements soient interprétés correctement, ils devront se familiariser à cette nouvelle perception au fur et à mesure qu’ils progressent au niveau linguistique.

Or, comme nous l’avions déjà affirmé plus haut, l’intériorisation de cette nouvelle perception est un processus qui s’opère d’une manière non consciente et c’est en confrontant les étudiants à des situations différentes d’interaction à leur culture, qu’ils pourront être compétents au niveau socioculturel de la langue qu’ils apprennent.

Ainsi, les apprenants ayant identifié les différences et clarifié les malentendus culturels et les préjugés, ils pourront progresser dans ces processus de conscientisation culturelle qui leur permettra de maintenir une meilleure communication.

Pour ce faire, il est opportun de préciser aussi bien aux enseignants qu’aux apprenants ; que parler d’éducation culturelle en classe de langue demande tout d’abord la reconnaissance des étapes d’apprentissage culturel de la langue étrangère. Hoopes (1986), cité par (OUELLET, 1991, pp. 129-131) distingue sept phases du processus d’enseignement-apprentissage de l’interculturel que nous voulons résumer comme suit, où chaque phase est considérée comme la préparation à la phase suivante :

L’ethnocentrisme consiste à affirmer sa supériorité culturelle. Et pour dépasser cette phase il faut prendre conscience de l’existence d’autres cultures ; la compréhension apparaît lorsqu’on commence à étudier la nature des autres groupes et à reconnaître leurs mentalités ; l’appréciation et l’évolution seront gagnées lorsque les étudiants seront capables d’évaluer les différences et similitudes culturelles ;l’acceptation et le respect se manifestent lorsque les étudiants reconnaissent et acceptent les différences culturelles qu’ils rencontrent ; l’adoption sélective devient possible quand les étudiants peuvent apprécier certains aspects de la culture étrangère et cherchent à s’approprier carrément ceux qui se rapprochent leurs intérêts personnels ; enfin l’adaptation sera possible quand les étudiants empruntent un déguisement approprié qui les fait sentir à l’aise lorsqu’ils sont en contact avec l’autre culture.
Jusqu’ici nous n’avons traité que l’aspect sociologique de l’interculturel, et maintenant il est temps de nous occuper de l’aspect pédagogique pour enseigner une culture étrangère en classe de langues. Dans la prochaine partie nous cherchons à expliciter les formes sous lesquelles pourrait être traité l’interculturel par les assistants mexicains qui animent les cours-ateliers pendant leur séjour dans les lycées.

Enseignement d’une culture étrangère en classe de langue.

Pour aborder l’interculturel en classe de langue nous allons nous baser dans la méthodologie proposée par la didacticienne Zarate dans son livre enseigner une culture étrangère. (1986).
Des formes et démarches pour traiter l’interculturel en classe des langues.

Tout d’abord, nous pouvons commencer par la bonne volonté et la curiosité des apprenants envers la culture étrangère. Et cette curiosité est déclenchée à partir des stéréotypes qui constituent un premier mode de connaissance et de reconnaissance de l’autre. C’est comme une première étape-provisoire dans l’apprentissage d’une culture étrangère et cet apprentissage sera élargi petit à petit en corrigeant ou en polissant cette image de l’autre.
Le stéréotype peut être défini comme un ensemble de traits censés de caractériser ou typifier un groupe, dans son aspect physique et mental et dans son comportement. C’est ensemble s’éloigne de la « réalité » en le délimitant, en la trompant, et en la déformant car l’utilisateur donne ses opinions basées sur des clichés qui à son à avis tout ce qui concerne la culture étrangère rentre dans le même sac, au détriment de son ouverture d’esprit. (ZARATE, 1986, p. 63)

Une autre façon d’enseigner la culture étrangère selon la didacticienne Zarate (1986), c’est à travers les événements historiques qui ont construit l’identité nationale des individus et les faits passés sous silence qui pourraient être extraits des manuels de langues scolaires pour apprendre l’espagnol puis les comparer d’un manuel à autre pour mettre en relief ces silences. Ces événements peuvent contribuer à dessiner les représentations du passé national sur une ligne chronologique, nous pouvons alors situer les faits explicitement mentionnés et ainsi dégager ceux qui sont passés sous silence dans le manuel pour les étrangers alors qu’ils sont considérés comme constitutifs de l’histoire nationale par les natifs, donc les assistants.

Une autre démarche pour traiter l’interculturel et qui se prête à la découverte de l’ « autrement», c’est à partir du questionnement, mais il est conseillé que les références utilisées lors du questionnement soient adaptées au contexte des étudiants. C’est-à-dire que les questions fassent référence aux cadres culturels de la culture maternelle et à ceux de la culture étrangère :
Vous trouverez ci-dessous un exemple qui m’a été inspiré par la méthodologie de l’enseignante ZARATE Geneviève dans son livre enseigner une culture étrangère. (ZARATE, 1986)

Une autre démarche, c’est le détour par l’analyse des heurts de la rencontre, ici nous distinguons les similitudes, dissemblances et les chocs culturels. Comparer les civilisations c’est l’affaire de la pédagogie de l’interculturel pour développer une réflexion destinée à réduire, voire à éviter les heurts qui surgissent dans des rencontres entre personnes de cultures différentes. En effet, dans le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) nous trouverons une liste exhaustive des aspects comparables entre cultures différentes. (DE L’EUROPE, 2001, pp. 82-85)

1. La vie quotidienne, par exemple :
– nourriture et boisson, heures des repas, manières de table
– congés légaux
– horaires et habitudes de travail.
– activités de loisir (passe-temps, sports, habitudes de lecture, médias).
2. Les conditions de vie, par exemple :
– niveaux de vie (avec leurs variantes régionales, ethniques et de groupe social)
– conditions de logement.
– couverture sociale.

3. Les relations interpersonnelles (y compris les relations de pouvoir et la solidarité), par exemple :

– la structure sociale et les relations entre les classes sociales
– les relations entre les sexes (courantes et intimes)
– la structure et les relations familiales
– les relations entre générations
– les relations au travail
– les relations avec la police, les organismes officiels, etc.
– les relations entre races et communautés
– les relations entre les groupes politiques et religieux.

4. Valeurs, croyances et comportements en relation à des facteurs ou à des paramètres tels que

– la classe sociale
– les groupes socioprofessionnels (universitaires, cadres, fonctionnaires, artisans et travailleurs manuels)
– la fortune (revenus et patrimoine)
– les cultures régionales
– la sécurité
– les institutions
– la tradition et le changement
– l’histoire
– les minorités (ethniques ou religieuses)
– l’identité nationale
– les pays étrangers, les états, les peuples
– la politique
– les arts (musique, arts visuels, littérature, théâtre, musique et chanson populaire)
– la religion
– l’humour.

5. Langage du corps (voir 4.4.5) : connaissance des conventions qui régissent des comportements qui font partie de la compétence socioculturelle de l’usager/apprenant.

6. Savoir-vivre, par exemple les conventions relatives à l’hospitalité donnée et reçue

– la ponctualité
– les cadeaux
– les vêtements
– les rafraîchissements, les boissons, les repas
– les conventions et les tabous de la conversation et du comportement
– la durée de la visite
– la façon de prendre congé.

7. Comportements rituels dans des domaines tels que
– la pratique religieuse et les rites
– naissance, mariage, mort
– attitude de l’auditoire et du spectateur au spectacle
– célébrations, festivals, bals et discothèques, etc.

En ce qui concerne le traitement des heurts culturels, Zoltan Kovecses cite la métaphore du jeu que propose le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein. (KOVECSES, 2006, p. 8) La communication interculturelle, c’est comme un jeu où les participants peuvent jouer quand ceux-ci connaissent les règles du jeu, mais quand l’un ou plusieurs joueurs ne comprennent pas les règles, la partie est ratée. Donc, c’est aux connaisseurs du jeu d’expliquer les règles rudimentaires de celui-ci aux inaptes pour qu’ils puissent jouer. Cette métaphore à inspiré la création du jeu Barnga où les participants éprouvent le choc de réaliser que, en dépit de beaucoup de similitudes, les gens de cultures différentes perçoivent des choses différemment ou jouent selon d‘autres règles. Les joueurs apprennent qu’ils doivent comprendre et apprivoiser ces différences s’ils veulent fonctionner efficacement dans un groupe multiculturel.(cfr. http://www.lancs.ac.uk/users/interculture/pcat6.htm)

Une première démarche pour traiter l’interculturel, c’est l’apport linguistique (GALISSON, 1991) qui est divisé en deux parties, la première consiste à accéder à la culture à travers le lexique, cela veut dire que chaque culture a ses propres particularités lexicales à connotation culturelle partagée que les natifs reconnaissent facilement, il s’agit des mots ou des phrases à charge culturel; dans cet angle, nous pouvons apercevoir la non dissociation des enseignements de la langue et de la culture car il faut prendre en compte le poids de la pragmatique lexicale dans le discours.

La deuxième concerne les malentendus nés de la mécompréhension des implicites discursifs.
Enfin, la dernière démarche, c’est celle des représentations mythiques qui sont liées d’une certaine manière aux événements historiques. Il s’agit là d’un analyse sémiologique des croyances répandues mais infondées. (DUMONT, 2008, p. 171)

Sur les documents à traitement culturel en classe des langues.

Selon la professeure Zarate (1986, pp. 77-92) nous pouvons trouver trois types de documents pour travailler l’interculturalité.
Nous avons les documents «semi-authentiques » qui sont fabriqués spécialement pour le contexte scolaire avec lesquels les apprenants sont confrontés aux mêmes informations culturelles que les natifs. Or un document authentique n’est pas toujours la copie systématique du document original dont il provient. En effet, le professeur peut le raccourcir, supprimer des éléments, réécrire des passages.
Nous avons aussi les récits de vie qui décrivent le quotidien et valorisent une représentation des pratiques culturelles à l’échelle individuelle. Nous pourrons dire que ce sont comme les témoignages qui permettent de situer ceux qui parlent à travers leur origine sociale, leur appartenance régionale, leur profession, leur parcours individuel, et leur milieu familial. Les récits de vie sont des pratiques courantes de la conversation ordinaire : souvenir d’enfance, récit de voyage ou de vacances, incident de notre vie, etc.
Enfin, nous trouverons les guides ou précis, ces documents ont des aprioris communs dans leur façon d’expliquer une culture étrangère. Les informations sont données sous forme de conseils. A travers les « faites » et « ne faites pas », c’est une vision normée de la culture étrangère qui est présentée comme une conduite exemplaire.

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BAYLON, C. (2005). Sociolinguistique : Société langue et discours. Armand Colin.

DUMONT, R. (2008). De la langue à la culture : Un itinéraire didactique obligé. Paris: Ed. L’harmattan.

DEMORGON, J. (2004). Complexité des Cultures et de l’interculturel. Paris: Anthropos 3ème édition .

FERREOL, G. e. (2009). Dictionnaire de sociologie. Paris: 3ème ed. Armand Colin.

GRASSET, Paolo et PITOT, Jean. (2000). Au nom du sens : autour de l’œuvre d’Umberto Eco. Paris: Publication de conférence: colloque de Cerisy.

MORCHAIN, P. (2009). Psychologie sociale des valeurs. Paris: Dunod.

OUELLET, F. (1991). L’Education Interculturelle: « essai sur le contenu de la formation des maîtres ». Paris: L’harmattan.

THOMAS, M. (2000). Acquérir une compétence interculturelle, Mémoire de D.E.S.S. de Psychologie, Université de Nancy 2.

TOURATIER, C. (2005). La sémantique. Paris: Armand Colin .

ZARATE, G. (1986). Enseigner une culture étrangère. Paris: Hachette.